Depuis 2017 le séminaire de Versailles demande à quelques familles d’entrer dans une relation plus proche avec les séminaristes. Ce sont les « familles amies » qui reçoivent une mission pour une année. Nous avons interrogé une d’entre elles qui témoignage sur les découvertes et les fruits d’un tel échange.
Qu’est-ce qu’une « famille amie » ?
Grégoire : Le père Matthieu Dupont, supérieur du séminaire, nous a demandé si nous voulions nous rendre disponibles pour permettre à des séminaristes de partager des moments familiaux, un accueil simple dans la vie de famille. C’était une ouverture que le séminaire souhaitait mettre en place. Notre vie familiale était en soi quelque chose qui pouvait avoir une place dans la formation du séminariste. Nous avions la mission d’être nous-mêmes. Cela nous engageait à accueillir régulièrement des séminaristes chez nous, souvent lors de repas. Ils viennent à deux ou à trois, jamais seuls. Il y a là une dimension liée à la juste distance ou à la non-appropriation, à la liberté finalement. Cette dimension est également importante pour nous. De notre côté, nous nous engageons à participer à des temps forts du séminaire : la messe de rentrée, une soirée de l’Avent, un week-end en février et une rencontre en fin d’année.
Sibylle : La rencontre de février est au début du Carême. Les séminaristes partent pour faire une retraite et nous les rejoignons pour le week-end qui est festif : ils rompent le silence lorsque nous arrivons. La retraite cette année sera à Pontmain.
Comment avez-vous présenté cette mission à vos enfants ?
Sibylle : C’est un engagement familial. Au cours d’un dîner, nous avons évoqué avec nos enfants la demande du père Matthieu d’être « famille amie » du séminaire. Cela nous engage à prier pour eux et à les accueillir certains dimanches pour les repas. C’est important d’impliquer les enfants car il y a un rythme dans l’année et un certain nombre de repas pris avec les séminaristes. Or, si les enfants aiment lorsqu’il y a du monde, ils aiment aussi parfois être seulement avec nous.
Grégoire : Mais parce qu’ils sont partie prenante à la décision, nous constatons qu’ils sont toujours heureux de recevoir les séminaristes. C’est un choix familial. Nous ne choisissons pas le séminariste qui vient : il n’est pas l’ami des parents, ni celui des enfants. C’est le séminaire qui nous rapproche. Nous nous accueillons mutuellement. En revanche, la participation des enfants aux activités avec le séminaire est libre.
Avec le temps, quel type de relations nouez-vous ?
Sibylle : Lorsque vous commencez à connaître quelqu’un que vous croisez régulièrement, il y a une joie de se revoir et d’avoir des nouvelles. Avec les séminaristes, nous vivons ce rythme en nous retrouvant régulièrement et en partageant des temps festifs ensemble : l’Avent et le week-end de février le sont particulièrement. Les séminaristes préparent des sketches et des jeux, les enfants sont partie prenante. Lors du week-end de carême la grande marche est l’occasion de belles discussions les uns avec les autres. Par ailleurs, chaque année les séminaristes invitent aussi leurs amis pour leur faire découvrir leur vie. Nous sommes là et nous discutons avec eux, et c’est là que se crée la relation avec le séminaire au-delà d’une relation privilégiée avec l’un ou l’autre.
Grégoire : Lors de cette soirée des amis, le séminaire est noir de monde. Nous découvrons alors ceux qui les entourent.
Comment se passent les invitations ?
Grégoire : Il y a une charte qui guide notre engagement au service du séminaire.
Sibylle : Ce sont toujours eux qui prennent l’initiative. Ils s’engagent à venir dans chacune des quatre « familles amies » une fois dans l’année.
Combien de séminaristes viennent ?
Sibylle : Nous recevons seulement les deux premières années, ceux qui sont à Chatou. Ensuite ils partent dans d’autres lieux de formation. Ils sont neuf en première année et quatre en deuxième. Avec quelques anciens, nous gardons des liens : ils nous donnent des nouvelles et s’invitent lorsqu’ils passent à Chatou. L’engagement de venir en binôme dure le temps du premier cycle ; après, la relation évolue en fonction des personnalités et du lien avec chaque famille.
Comment réagissent vos enfants ?
Sibylle : Les enfants sont toujours heureux d’accueillir les séminaristes. Cela nous réjouit.
Grégoire : Il y a une relation qui s’établit. L’un de nos enfants a dit : « ils font immédiatement partie de la famille». Ce sont un peu comme des grands cousins.
Sibylle : Il y en effet une simplicité d’échanges qui donne cette impression.
Grégoire : Une de nos filles parle d’ouverture ; « Cela nous fait sortir de notre zone de confort », dit-elle. Elle a dix-huit ans et perçoit les fruits de cette relation. Il y a là un témoignage. Ce que nous vivons est très simple, nous partageons un repas. Il est difficile de savoir ce que nous apportons. D’ailleurs il ne nous est pas demandé de restitution. Le séminariste partage un moment de notre vie familiale.
Sibylle : Avec la fin du travail scolaire le dimanche soir par exemple… !
Grégoire : Cela crée une proximité que les enfants aiment bien. Ainsi des relations d’amitié naissent.
Sibylle : C’est moins de l’amitié que de la fraternité que les enfants identifient comme un lien familial. Il y a une simplicité d’échange. L’avantage c’est que les enfants n’ont pas de filtre. Ils leur posent des questions comme elles viennent. Parce que les séminaristes sont jeunes ils ne sont pas intimidés.
Les séminaristes témoignent-ils de leur vocation ?
Grégoire : Au début, toutes les questions tournaient sur leur vocation. Maintenant la relation a évolué et les enfants s’habituent. Après la découverte d’un monde, celui des séminaristes et des prêtres, il y a le temps de la fraternité avec une personne comme les autres.
Sibylle : Une de nos filles était impressionnée par les prêtres et les séminaristes. Grâce à cette proximité elle a perçu qu’on pouvait parler de tout. Que la conversation n’était pas limitée à la foi ou à l’Eglise. Un séminariste n’est pas « nécessairement » austère, il a même souvent beaucoup d’humour !
Grégoire : Nos aînées peuvent aborder des thèmes de la foi. Le séminariste a des idées et du répondant sur des questions qu’elles se posent.
Dans cette relation considérez-vous que vous êtes formateurs ?
Grégoire : Nous sommes présents pendant leurs deux premières années à Chatou mais n’avons pas de rôle de discernement. Nous ne nous sentons pas à proprement parler des formateurs, mais comme ayant un rôle dans la formation du séminariste. La charte des familles amies évoque une « communion de formation » en réponse à l’appel du pape François sur la présence des laïcs et des familles dans la formation sacerdotale.
Sibylle : En fin d’année nous faisons un bilan avec le père Matthieu, qui réunit les parents des « familles amies » afin de relire l’année.
Si vous n’êtes pas formateurs, finalement quel est le but de cette relation ?
Sibylle : L’objectif est que les séminaristes découvrent une autre famille que la leur, d’autres fonctionnements, avec des joies et des difficultés. D’où les quatre familles avec des profils différents.
Grégoire : Cela permet aux séminaristes de découvrir aussi la vocation au mariage. À l’exemple des époux Martin, il y a là une vraie vocation à la sainteté qui n’est pas limitée à la vie consacrée. Je me souviens d’une rencontre avec un séminariste où j’ai été conduit à témoigner de la manière dont je pouvais vivre ma foi en tant qu’époux.
Sibylle : C’est un appel à être nous-même, dans notre vocation propre de couple marié qui souhaite grandir en sainteté. Nous avons à rester à notre place et à accueillir.
Comment cette mission a-t-elle modifié votre regard sur les séminaristes et les prêtres ?
Sibylle : J’ai d’abord découvert comment les prêtres étaient formés. La formation intellectuelle telle que je l’imaginais, mais aussi la place centrale de la vie de prière. Par un apprentissage de la vie communautaire et personnelle, la dimension humaine est très présente dans la formation. Cela passe par l’hygiène de vie – le respect du sommeil, la préparation des repas, le linge et le ménage, etc – et se rapproche du rôle que nous avons, nous parents, vis à vis de nos enfants. Une dernière chose significative est la fraternité des formateurs au service du cheminement de chaque séminariste.
Grégoire : Le côté humain me touche beaucoup. Quand nous allons au séminaire, nous sommes témoins de cette vie fraternelle. J’avais une vision un peu extérieure du séminaire. Aujourd’hui je suis témoin de ces hommes qui accueillent cet appel. Nous percevons que le séminaire est un temps de discernement. Ils ne savent pas ce qu’ils seront demain. C’est un vrai chemin d’humilité. Ils accueillent avec confiance la décision de leurs formateurs qui engage toute leur vie. Il est très beau de voir la joie qui les habite.
Un dernier mot ?
Grégoire : Un de nos enfants dit que certaines discussions enrichissent notre vie de foi. Et c’est vrai !
Sibylle : Quelle richesse pour nous, pour toute la famille ! Et quelle joie de venir à leurs ordinations diaconales et sacerdotales !
À CHATOU
Au Séminaire de Versailles, les Maisons Pierre de Porcaro accueillent plus d’une dizaine de séminaristes chaque année. Il y suivent leurs deux premières années de formation avant d’être admis parmi les candidats au sacerdoce et de continuer leur formation dans d’autres séminaires. N’hésitez pas à prendre contact avec eux.
www.seminaireversailles.fr
À PARIS
Au séminaire de Paris, les maisons de premier cycle sont attachées à des paroisses, ce qui favorise une vraie proximité entre séminaristes et paroissiens. En revanche, les maisons de second cycle ont mis en place des relations avec des familles amies depuis quelques années.
https://dioceseparis.fr/-seminaire-de-paris-.html
Interview réalisée par le Père Geoffroy de Talhouët pour le magazine Vocations N°213